Avoir un problème de santé sans comprendre la cause peut être très frustrant. Alors que tout et rien semblent empirer les symptômes digestifs, cutanés, rhumatologiques ou même mentaux, il est facile de tomber dans une obsession à filtrer notre alimentation. Si rien ne semble fonctionner, il est possible qu’il s’agisse d’une intolérance à l’histamine. Il s’agit d’un concept récent qui permet finalement d’offrir une solution diététique et comportementale pour améliorer la qualité de vie de ceux qui sont touchés.

Qu’est-ce que l’histamine?

L’histamine est une cytokine, une molécule de signalisation de plusieurs organes comme le système immunitaire, la peau, l’estomac et le cerveau. Selon l’endroit où le signal se rend, son effet sera différent.

Ces effets peuvent aller d’une simple sécrétion de suc gastrique à une réaction immunitaire, une vasodilatation, la contraction des bronches ou des muscles de l’intestin, à l’accélération du rythme cardiaque et même à causer des démangeaisons ou réactions cutanées.1

Normalement, ces réactions sont réservées à une réaction allergique. Malheureusement, notre monde hyperhygiénique nous laisse maintenant avec des troubles d’hypersensibilité qui nous poussent à réagir négativement à certains “bons” aliments et facteurs environnementaux comme les poils de chien, le pollen ou le lait.

Maintenant, il semblerait que certains individus deviennent hypersensibles à l’histamine, une substance que l’on retrouve en petite quantité dans une tonne d’aliments. C’est ce que l’on appelle le syndrome d’intolérance à l’histamine.

Qu’est-ce que le syndrome d’intolérance à l’histamine?

Le syndrome d’intolérance à l’histamine (ou histaminose) est l’ensemble de symptômes du déséquilibre de concentration en histamine dans le corps. Normalement, les niveaux sanguins d’histamine devraient se trouver entre 0,3 à 1,0 nanogramme par millilitre (ng/mL). Accumuler plus d’histamine que cette limite peut provoquer l’apparition de symptômes.3

Afin d’assurer que le corps ne dépasse pas ce seuil, deux enzymes ont pour rôle de dégrader l’histamine. La N-méthyltransférase (HNMT) s’occupe de dégrader l’excès d’histamine se trouvant dans le système nerveux central tandis que la diamine oxydase (DAO) est responsable de dégrader celle provenant de notre alimentation. Normalement, 99% de l’histamine que l’on consomme est détruite avant même que la digestion soit complétée, mais une carence en DAO peut nous porter à trop en absorber.

Malheureusement, diagnostiquer le syndrome d’intolérance à l’histamine est presque impossible puisque nos niveaux d’histamines sont hautement variables à travers la journée. De plus, mesurer notre niveau de DAO (une procédure assez commune) est peu révélateur puisqu’une carence enzymatique n’est qu’une cause parmi plusieurs.

Les symptômes de l’histaminose

En réalité, le problème n’est pas d’être intolérant à l’histamine. Le corps a besoin d’histamine pour le bon fonctionnement du système immunitaire et inflammatoire.

L’intolérance à l’histamine est plutôt un problème d’accumulation d’histamine où l’histamine naturellement produite, celle synthétisée par le stress et celle consommée par notre alimentation culminent à un taux sanguin beaucoup trop élevé.

Le corps procède donc à utiliser cet excès par la façon la plus facile. Notre maillon faible sera ainsi victime de cette cascade biochimique. Les symptômes sont ainsi très variables et peuvent souvent être accompagnés de quelques symptômes supplémentaires moins intenses. La grande variabilité entre les patients est d’ailleurs une raison pour laquelle ce syndrome est si peu diagnostiqué.4

Parmi les symptômes possibles, on note:

  • Urticaire, démangeaisons
  • Acné
  • Palpitations, hypotension, hypertension, arythmie
  • Insomnie
  • Asthme
  • Rhinite
  • Diarrhée
  • Intolérances alimentaires, troubles digestifs
  • Fatigue importante, dépression
  • Douleurs musculaires
  • Maux de tête, rougeurs
  • Bouffées de chaleur

Contrôler l’histaminose

Si l’intolérance à l’histamine n’est pas causée par une autre condition comme des allergies, le syndrome d’activation mastocytaire5, une réaction auto-immune, une infection ou une inflammation chronique, il est possible de déduire qu’il s’agit d’une sensibilité à l’histamine. Cela dit, il est toujours recommandé de consulter un professionnel de la santé.

Il n’y a malheureusement pas de “guérison” possible de ce syndrome puisqu’il s’agit d’un déséquilibre physiologique. Cependant, on peut toujours assister notre corps dans cette difficulté.

Tout d’abord, il est important de limiter l’apport en histamine dans notre diète et notre environnement externe. Suivre une diète pauvre en histamine et limiter les ingrédients histaminiques dans nos produits de lessive, notre air et nos médicaments offrira le maximum de résultats. 6

Ensuite, si nos niveaux internes de diamine oxydase ne sont pas assez élevés ou efficaces, il est possible de supplémenter en enzyme digestive (DAO) afin d’éliminer l’histamine restant qui se rend dans notre système digestif. 7

Il faut aussi noter qu’une période de stress va augmenter la production interne d’histamines.8 Dans ces cas, utiliser un antihistaminique peut aider à dissimuler temporairement les symptômes. Il est par contre important de savoir qu’un antihistaminique ne vient aucunement résoudre le déséquilibre. Donc, les symptômes risquent de toujours être présents lorsque l’effet de la médication va se dissiper.

Un autre moment où un antihistaminiques peut être utile est durant les périodes d’allergies saisonnières. La simple présence du pollen vient augmenter notre histamine et augmente notre sensibilité aux aliments. Durant cette période, il est possible que certains aliments qui étaient auparavant consommables se mettent à poser problème.

La présence d’histamine dans nos aliments

La quantité d’histamine dans un aliment est impossible à déterminer. Il est alors nécessaire d’analyser les mécanismes de productions d’histamine de chaque aliment pour les classer. 9

Les aliments riches en histamines sont généralement ceux qui…

  • ont vieilli ou mûri pendant longtemps (viandes, poissons, fruits, fromages, etc.);
  • ont été traité en usine (la transformation peut causer le relâchement d’histamine dans certains produit comme l’alcool et les charcuteries);

Aliments riches en histamine:

  • Alcool et boissons fermentées: surtout le vin, le champagne et la bière
  • Aliments fermentés: sauce soya, le kéfir, le yaourt, la choucroute, tous les fromages
  • Aliments contenant de vinaigre: cornichons, mayonnaise, olives
  • Charcuterie: Bacon, salami, pepperoni, saucisse, viande fumée
  • Fruits de mer et certains poissons: maquereau, mahi-mahi, thon, anchois, sardines
  • Poissons sous forme de conserves, marinés, salés ou séchés
  • Fruits séchés
  • Certains fruits dont les agrumes
  • Produits laitiers: surtout les fromages âgés
  • Noix: noix, noix de cajou et cacahuètes
  • Certains légumes: aubergine, épinards, tomates, citrouille
  • Lipides: Avocat, margarine, huiles hydrogénées

Il existe aussi des aliments qui, sans pour autant posséder de l’histamine, déclenchent le relâchement d’histamine par réaction inflammatoire. Alors que la science n’apporte pas encore une précision incroyable sur ce mécanisme, il est possible d’identifier certains aliments par leur teneur en certaines molécules. Par exemple, on peut noter que les agents artificiels comme les agents de conservations causent une élévation d’histamine dans le sang.

Aliments relâchant l’histamine:

  • Alcool
  • Certains fruits: Banane, tomate, papaye, ananas, agrumes, fraises
  • Lait
  • Germe de blé
  • Haricots, pois chiches, lentilles, haricots rouges, soja, edamame
  • Fruits de mer
  • Restants
  • Chocolat
  • Noix
  • Épices: Anis, chili, cannelle, clous de girofle, curry, “épices”, noix de muscade, thym
  • Colorants et additifs alimentaires: Tartrazine, benzoate, sulfite, etc.
  • Aliments contenant des composantes comme le benzoate: fraise, framboise, canneberge, citrouille, aubergine, cannelle, thé vert et thé noir.

Il est aussi important de considérer les aliments venant inhiber la présence de diamine oxydase. Ceux-ci doivent être évités.

Aliments inhibant la production de DAO:

  • Alcool
  • Thé noir
  • Yerba Maté
  • Thé vert

Au final, voici une liste non exhaustive des aliments sécuritaires à consommer:

Aliments faibles en histamine:

  • Viande fraîche et poisson sauvage frais ou congelé rapidement, viande congelée
  • Fruits: pommes, bleuets, pitaya, figue, goyave, kiwi, longane, litchi, mangue, melon, fruits de la passion, pêche, poire, rhubarbe, carambole
  • Oeufs
  • Grains sans gluten (quinoa, riz)
  • Légumes sauf exception
  • Lipides: Beurre, lard, huile végétale, huile d’olive
  • Édulcorant: Miel, confitures et marmelades naturelles, sirop d’érable, édulcorants naturels, sucre

Bien entendu, il reste important d’expérimenter. Selon le seuil de tolérance de chaque individu, certains aliments peuvent être corrects à la consommation. De plus, il est surtout important de ne pas combiner divers aliments dans un seul repas. Boire juste un verre de vin ne va pas nécessairement être suffisant pour dépasser le seuil. 

Maintenant, il faut aussi considérer les sources environnementaux et les autres facteurs indirectes.

Toutes les autres sources d’histamine

  • Les allergies communes comme le pollen;
  • Les changements hormonaux, particulièrement la hausse d’oestrogène et la diminution de testostérone;
  • Les médicaments (les colorants de radiographie, certains agents d’anesthésie, certains antibiotiques, certains antidépresseurs, l’aspirine, certains diurétiques, les médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens).

Supporter la présence et l’efficacité de la diamine oxydase

Malgré nos meilleurs efforts, il y aura toujours une certaine quantité d’histamine ingérée par notre alimentation. Cela est aussi sans compter la production interne d’histamine par le corps pour ses fonctions vitales.

Après tout, notre but n’est pas d’éradiquer l’histamine, cette cytokine précieuse, mais plutôt de rééquilibrer le système. Il n’est d’ailleurs pas inimaginable de réintroduire plusieurs des aliments ci-dessus une fois que nos concentrations enzymatiques sont sous contrôle.

La complexité derrière le déséquilibre en DAO tient derrière ses origines multiples. Il est possible de développer une carence enzymatique ou une inefficacité enzymatique à cause d’un problème de flore intestinale, de perméabilité intestinale, de saignement gastro-intestinal, et de plusieurs autres raisons dont la science n’a toujours pas découvert.

Tout considéré, il semblerait que l’origine provient toujours de la santé de notre système digestif. Et pour la majorité de notre population moderne, il est presque assuré d’avoir un problème de flore et de perméabilité intestinal vu la profusion d’antibiotiques et des composés non naturels dans nos aqueducs, champs d’agriculture, l’environnement en plus de la prolifération des produits synthétiques comme le plastique.

Rééquilibrer la DAO par la supplémentation 

Diamine oxydase

En supplémentant en enzymes digestives, il est possible d’assister notre système digestif à dégrader l’histamine avant même qu’elle soit absorbée par le corps.

Tout comme les personnes intolérantes au lactose utilisent de la lactase pour mieux tolérer les produits laitiers, nous allons utiliser la DAO comme support alimentaire. Malheureusement, la DAO sous forme de supplément ne permet pas d’augmenter notre taux interne d’enzyme. Il est alors primordial dans consommer dans les 15 minutes précédant un repas.

Il ne faut pas s’inquiéter d’effets secondaires, puisqu’une enzyme digestive n’est pas, par définition, absorbée dans le tractus digestif. Cependant, il faut faire attention à la liste d’ingrédients non médicinaux du supplément. Très souvent, on retrouve des additifs parmi cette liste pouvant causer le relâchement d’histamine. 

Antihistaminique

Pour les périodes où les symptômes semblent incontrôlables, il est possible d’utiliser un antihistaminique comme le Benadryl, du Claritin ou toutes autres formes d’antihistaminique se vendant dans une pharmacie. Il s’agit effectivement des mêmes suppléments que l’on utilise pour les allergies saisonnières.

Il faut noter que les antihistaminiques ont seulement pour rôle d’empêcher l’histamine de rejoindre leurs récepteurs dans les divers organes, empêchant ainsi les symptômes d’apparaître. Par contre, puisque l’histamine n’arrive pas à terminer son processus naturel, il reste en majorité dans le sang et les symptômes finissent par apparaître lorsque l’effet antihistaminique se dissipe.

La quercétine est une composante naturelle que l’on retrouve dans plusieurs fruits et légumes. Ce bioflavanoïde est un antioxydant jouant le rôle d’antihistaminique. Il s’agit probablement du supplément naturel le plus efficace pour combattre les symptômes d’intolérance à l’histamine.

Les suppléments à éviter

Vitamine C

Alors que la vitamine C a été montrée de jouer le rôle d’un antihistaminique, il y a quelques études montrant que cette vitamine aurait en fait la capacité de réduire l’efficacité de la diamine oxydase. Ainsi, supplémenter en large dose de vitamine C n’est probablement pas recommandé. 

Probiotique

Certaines souches de bactéries produisent de l’histidine décarboxylase, un enzyme qui convertie l’histidine en histamine. Cela signifie que supplémenter avec la mauvaise forme de probiotique pourrait avoir l’effet indésirable d’augmenter la concentration d’histamine dans le corps et aggraver les symptômes.

En contrepartie, certaines souches semblent pouvoir augmenter la production de diamine oxydase, mais la science est encore trop jeune pour identifier toutes les souches spécifiques.

Entre temps, voici une liste non exhaustive des micro-organismes ayant été identifiée comme des synthétiseurs d’histidine décarboxylase (un producteur d’histamine)10 :

  • Aeromonas hydrophila
  • Bacillus cereus
  • Bacillus subtilis
  • Brevibacterium linens
  • Citrobacter diversus
  • Citrobacter freundii
  • Clostridium perfringens
  • Enterobacter aerogenes
  • Enterobacter cloacae
  • Enterobacter liquefaciens
  • Escherichia coli
  • Escherichia intermedia
  • Hafnia alvei
  • Klebsiella pneumonia
  • Klebsiella oxytoca
  • Lactobacillus brevis
  • Lactobacillus buchneri

Quelques conseils

  • Congeler les restants de protéine comme la viande, la volaille et le poisson permet de ralentir la prolifération de bactéries qui peuvent augmenter la quantité d’histamine dans les aliments. Il est alors recommandé de congeler tout restant après la cuisson. Même conserver ces aliments dans le réfrigérateur pendant quelques jours peut permettre l’accumulation d’assez d’histamine pour que certains individus perçoivent des symptômes.
  • Peler ses légumes et fruits est important afin de retirer la couche protectrice contenant des lectines et des germes pouvant augmenter les risques inflammatoire. 
  • Éviter tout aliment étant le produit de la fermentation.
  • Éviter le plus possible les additifs alimentaires qui peuvent causer le relâchement de l’histamine. Cela inclut les colorants artificiels tels que FD&C jaune #5 (tartrazine) et les agents de conservation comme le benzoate et les sulfites. Il faut aussi faire attention de regarder la liste d’ingrédients des médicaments, des suppléments et des produits de beauté pour détecter ces additifs.11
  • La vitamine B3 (Niacine) peut causer des symptômes similaires à l’histaminose au niveau de la peau. Alors que la niacine n’interagit aucunement avec les processus inflammatoires ou d’histamine, la vitamine B3 augmenter les niveaux de prostaglandine dans la peau ce qui mimique les effets de l’histaminose. Lorsque possible, il est recommandé de choisir des complexes de vitamine B contenant de la niacinamide.12
  • Le blanc d’oeuf semble relâcher de l’histamine par un mécanisme méconnu par la science. Il serait prudent d’éviter celui-ci si les symptômes persistent. Le jaune d’oeuf ne cause aucun problème.

Références
1. Maintz, L., & Novak, N. (2007). Histamine and histamine intolerance. The American journal of clinical nutrition85(5), 1185-1196.
3. Dyer, J., Warren, K., Merlin, S., Metcalfe, D. D., & Kaliner, M. (1982). Measurement of plasma histamine: description of an improved method and normal values. Journal of Allergy and Clinical Immunology70(2), 82-87.
4. Töndury, B., Wüthrich, B., Schmid-Grendelmeier, P., Seifert, B., & Ballmer-Weber, B. K. (2008). Histamine intolerance: Is the determination of diamine oxidase activity in the serum useful in routine clinical practice. Allergologie31(8), 350-356.
5. Castells, M. C. (2004). Mastocytosis: classification, diagnosis, and clinical presentation. In Allergy and asthma proceedings(Vol. 25, No. 1, p. 33). OceanSide Publications.
6. Swiss Interest Group Histamine Intolerance (SIGHI). Medicaments. En ligne: http://www.histaminintolranz.ch/en/therapy_medicaments.html [Accédé le 31 janvier 2017]
7. Taylor, S. L., & Lieber, E. R. (1979). In vitro inhibition of rat intestinal histamine-metabolizing enzymes. Food and cosmetics toxicology17(3), 237-240.
8. Joneja, J. M. V., & Carmona-Silva, C. (2001). Outcome of a histamine-restricted diet based on chart audit. Journal of nutritional & environmental medicine11(4), 249-262.
9. Joneja, J. V. (2003). Dealing with Food Allergies: A Practical Guide to Detecting Culprit Foods and Eating a Healthy, Enjoyable Diet. Bull Publishing Company.
10. Malnick, S., & Melzer, E. (2015). Human microbiome: From the bathroom to the bedside. World journal of gastrointestinal pathophysiology6(3), 79.
11. Flick GF, Granata LA. Biogenic amines in foods. IN: Dabrowsky WM, Sikorsky ZE. (eds). Toins in food. Boca Raton, Florida: CRC Press; 2005. p.121-54
12. Kamanna, V. S., Ganji, S. H., & Kashyap, M. L. (2009). The mechanism and mitigation of niacin‐induced flushing. International journal of clinical practice63(9), 1369-1377.

Written by Joël Bérubé


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